Le drame qui accuse les fermetures de maternités

Publié le 23 Octobre 2012

121023-des-elus-du-chatillonais-maternite.jpg

Le 9 juin 2008. Des élus,maires, conseillers municipaux et généraux de la région du Chatillonnais manifestent devant l'ARH de Bourgogne à Dijon, contre la fermeture prochaine de la maternité de Chatillon-suir-Seine.

Alors que le réseau des maternités a été amputé des deux tiers en France en trois décennies, la mort d’un nouveau-né au bord d’une route, dans le Lot, souligne l’urgence de stopper les restructurations hospitalières, qui mettent la santé en danger.

« On se demande comment ce n’est pas arrivé avant. » Ancienne auxiliaire de puériculture à l’ex-maternité de Figeac (Lot), Martine Hirondelle fait partie de celles et ceux, nombreux, agents hospitaliers, médecins, simples usagers, élus, qui, en 2009, avaient mis en garde contre les risques d’une fermeture de l’établissement. « Avant la fermeture, on avait prévenu des conséquences pour la sécurité. » Dans le Lot, où il ne reste plus qu’un établissement, à Cahors, il faut désormais en moyenne plus d’une demi-heure pour rejoindre une maternité. Selon Martine 
Hirondelle, syndicaliste CGT, la fermeture de Figeac, le 27 mai 2009, a été le prix à payer par l’hôpital de cette ville dans le cadre d’une restructuration prévoyant son regroupement avec une clinique privée. « C’était, se souvient-elle, la mise en place de la loi hôpital, patients, santé, territoires. » Loi qui sonnait explicitement le glas du service public hospitalier. « On espère un changement avec l’actuel gouvernement », dit-elle. En matière de santé, il y a en effet pour le moins urgence. Le drame vécu vendredi par une jeune femme enceinte qui a perdu son enfant alors qu’elle se rendait à la maternité de Brive, à plus d’une heure de chez elle dans le Lot, ne survient pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Dans les quelques mois qui ont suivi la disparition de l’établissement de Figeac, deux incidents étaient enregistrés : une jeune maman, faute de temps pour rejoindre Cahors, avait dû accoucher chez elle, une autre, dans le camion des pompiers. « Malheureusement il y en aura d’autres et l’issue finira par ne pas être aussi heureuse », prophétisait alors un réseau citoyen du Lot.

« la dégradation globale de la périnatalité »

Par combien d’accouchements réalisés dans des conditions aussi peu appropriées qu’un parking, ou une voiture, une ambulance, par combien de drames évités de justesse s’est déjà soldé le détricotage du réseau des maternités sur le territoire ? De 1 369 en 1975, leur nombre est tombé à 535 en 2010. Et le phénomène ne concerne pas que les maternités. « Il faut, hélas, des accidents et de l’émotion pour que l’importance des petits hôpitaux soit soudain reconnue. (…) J’espère que ceux qui, depuis des années, estiment qu’(ils) n’ont plus de raison d’être et que l’hélicoptère suffit pour déplacer des parturientes ou des malades s’interrogeront », réagit le porte-parole de l’Association des petites villes de France (APVF).

Le président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens (Syngof), de son côté, inscrit le drame du Lot dans le contexte de « la dégradation globale de la périnatalité ». Mettant en cause une politique de « concentration des moyens (de services de santé – NDLR) autour des capitales régionales », Jean Marty dresse le constat : « On a fermé beaucoup de maternités privées et publiques, et le bilan a été tiré par la Cour des comptes : le résultat est mauvais, sur le plan économique, car on a déplacé les accouchements vers des lieux où c’est plus cher, mais aussi en termes de sécurité ». Dans son rapport annuel 2012, la Cour des comptes faisait état d’un « constat sanitaire plus préoccupant qu’en 2006, de disparités entre départements ». Elle soulignait des décès maternels « pour moitié évitables » et « des résultats décevants depuis 2005 » en termes de mortalité infantile, en stagnation. « Les regroupements (d’établissements – NDLR) et la constitution d’“usines à bébés” ne fonctionnent pas et conduisent à une prise en charge moins bonne pour les femmes », renchérit Virginie Gosse, une sage-femme aux Bluets, à Paris.

Régulièrement utilisé par les gouvernements successifs, l’argument de la sécurité censé justifier les restructurations hospitalières n’était pour l’essentiel que le cache-sexe de la logique comptable, de rentabilité et, au final, de privatisation rampante, appliquée à la santé. On le mesure de plus en plus : cette logique – tout comme les obstacles financiers mis à l’accès aux soins – met réellement en danger la santé de nos concitoyens. Elle accroît les « pertes de chances », comme disent les médecins.

Le drame survenu vendredi dans le Lot « nous appelle à ne plus rien accepter en matière de désert médical », déclarait le chef de l’État samedi devant le congrès de la Mutualité, où il a renouvelé son engagement de garantir à tous un accès aux soins urgents en moins de trente minutes. Le discours gagnerait en crédibilité s’il conduisait les pouvoirs publics à satisfaire la revendication d’un moratoire suspensif sur les restructurations à l’hôpital (lire p. 3 l’entretien avec Michel Antony, du mouvement de défense des hôpitaux de proximité).

Yves Housson

source:

Rédigé par PCF Briec-Fouesnant-Quimper

Publié dans #Vie locale

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article